• L'opacité des discussions, qui se déroulent « derrière les portes closes de grands hôtels internationaux d'où rien ne sort ». Une charge régulièrement assénée par les ONG et les partis anti-Tafta, qu'il est plus étonnant de retrouver dans la bouche d'un ministre français qui se félicitait il y a un an de la « transparence » obtenue par le gouvernement français. Il faut dire qu'entre-temps, les règles de confidentialité pour accéder aux documents de négociation ont encore été durcies sur la demande des Américains : depuis le 27 juillet, ceux-ci ne sont plus accessibles que dans des salles de lecture ultra-sécurisées, à Bruxelles ou dans les ambassades américaines - l'envoi de versions électroniques ayant donné lieu à trop de fuites. Matthias Fekl réclame un retour sur ces règles pour que les parlementaires puissent y accéder beaucoup plus librement, afin de préserver la symétrie avec les parlementaires américains.
  • Le remplacement des très controversés tribunaux d'arbitrage privés ISDS par une juridiction publique de règlements des différends en matière d'investissement. Dénonçant un « scandale démocratique », il se félicite une nouvelle fois que les « propositions françaises » soient « au cœur du débat » - bien que les Etats-Unis y aient pour l'instant opposé une brutale fin de non-recevoir, selon Die Welt.

Si M. Fekl ne fait là que dire tout haut ce que plusieurs chancelleries européennes pensaient tout bas depuis des mois, le changement de ton est notable. Dans l'entourage du ministre, on sent un certain ras-le-bol vis-à-vis de négociations qui patinent et de négociateurs américains qui ne proposent toujours pas d'« offres sérieuses » sur ces problématiques.

« C'est bien que le ministre prenne cette position dans la presse française, mais on n'observe pas sa voix porter à Bruxelles », regrette Amélie Canonne, du collectif Stop Tafta. Craignant qu'il ne s'agisse d'une simple posture, elle rappelle que Paris n'a pas officiellement pris position contre les nouvelles règles draconiennes de « transparence » imposées par la Commission européenne cet été. « Quand on intervient publiquement dans la presse, le message est entendu par tout le monde à Bruxelles », se défend-on dans l'entourage de Matthias Fekl.

En la matière, le juge de paix sera l'avenir. Si la France n'a pas formellement le pouvoir d'arrêter les négociations, menées par la Commission européenne au nom des Vingt-Huit, elle pèse suffisamment pour les saborder. On observera donc avec intérêt la réaction des Etats-Unis lors du prochain cycle de négociation du Tafta/TTIP, qui doit se tenir fin octobre à Miami.

Un autre moment de vérité devrait intervenir dans les prochains mois : l'Europe doit ratifier l'accord conclu en 2014 avec le Canada, le CETA, "petit cousin" du traité transatlantique. Le gouvernement français, qui a promis de ne pas le ratifier en l'état, réclamant des améliorations sur les tribunaux d'arbitrage, réussira-t-il à faire plier la Commission européenne, qui refuse de rouvrir la négociation ?