Samedi 30 novembre, à la Ferme du Ru Chailly à Fossoy, le collectif Carmen organisait une conférence débat intitulé «Schiste : quelles menaces sur l'activité économique dans le sud de l'Aisne ? ».
Cette réunion d'information était spécialement destinée aux agriculteurs, viticulteurs, professionnels du tourisme, de l'immobilier, de l'entreprise. Nous avions invité Thomas Porcher, économiste et auteur du livre « le mirage du gaz de schiste », pour qu'il puisse présenter les conclusions de son étude et éclairer, à la lumière d'autres études dont il a connaissance, les questions économiques que l'on peut légitiment se poser quant à l'exploitation des gaz/huiles de schiste et en particulier celle de la compatibilité de ce secteur avec d'autres activités économiques en place dans le sud de l'Aisne.
Thomas Porcher a développé une argumentation précise sur différents points comme: la non rentabilité de l'exploitation du gaz de schiste en dehors d'un dumping fiscal effréné, comme c'est le cas aux Etats Unis, la chute des prix de l'immobilier dans un rayon de 2km autour d'un puits (jusqu'à -24 % d'après un rapport fait aux Etats Unis), le coût des conséquences sanitaires liées à l'exploitation en citant une étude de l'université du Colorado, le risque de pollution pour les nappes phréatiques, le mirage de l'emploi etc..
Les représentants du monde professionnel ont pris la parole à leur tour pour expliquer que des réunions avaient eu lieu au sein de leurs corporations, qu'ils sont convaincus que le bilan intérêt/risque, y compris sur le plan économique, d'une exploitation des gaz et pétrole de schiste, penchait du mauvais côté.
Monsieur Lemoine a exprimé l'opposition des viticulteurs à une activité minière qui, en l'état actuel des choses, semble néfaste pour le patrimoine viticole de la région. Le président de l'arrondissement de Château-Thierry a annoncé que la position de l'Union des syndicats des viticulteurs de l'Aisne était clairement contre ces projets « dans l'état actuel des choses et en particulier, tant que la fracturation hydraulique serait la seule solution technique en vigueur ». Malgré tout, Monsieur Meurs, pour les agriculteurs, a souligné le fait que cette position ne devait pas, par principe, fermer définitivement la porte à la recherche en la matière, et, que si cette ressource pouvait créer de la croissance, elle ne devait pas être bannie. Par ailleurs, il a affirmé que le monde agricole est à l'affût de tout ce qui peut permettre de véritable économies en matière d'énergie et de développement durable. A ce titre, il a évoqué les difficultés administratives typiquement françaises que les agriculteurs rencontrent. Par exemple, la longueur des autorisations administratives pour la mise en place des installations favorisant l'exploitation de la méthanisation, le coût des implantations éoliennes qui reste très élevé et l'essor du photovoltaïque sur les toits des hangars qui a été stoppé net par une nouvelle législation intervenue brutalement, qui rend aujourd'hui sa rentabilité très aléatoire. Monsieur Leleu, dans l'immobilier, a fait part de sa préoccupation concernant les conséquences d'une activité d'exploration du schiste dans la région, en particulier la baisse de la demande immobilière qui a pour corollaire la baisse des prix et des valeurs patrimoniales.
Jacques Krabal a évoqué la manière dont le Ministre a pu asseoir sa décision de ne pas signer les transferts des 7 permis, grâce à l'action collective et au degré de compétence des collectifs sur ce dossier.
Devant ces prises de positions publiques des représentants du monde agricole viticole et agricole, le collectif Carmen s'est félicité que le débat amorçé avec eux lors de la rencontre avec Corine Lepage, ait abouti à une telle convergence.
Le collectif Carmen est conscient que la bataille va encore se mener sur le terrain des arguments économiques : nous risquons d’entendre, de manière récurrente, qu'il il est important de connaître l'importance de notre sous-sol et qu'à ce titre, il ne faut pas bloquer la recherche. Toutefois, se posera alors, la question de son financement. Et là, les pétroliers ne manqueront pas de dire qu'ils sont prêts à financer eux-mêmes cette recherche et leurs forages d'exploration. Partant de là, nous devrons accepter que l' Etat leur concède les autorisations pour forer. Il convient donc de rester très mobilisés et de continuer à mettre en avant les arguments démontrant qu'il est temps de passer à autre chose qu'aux énergies fossiles qui contribuent largement au réchauffement climatique. C'est dire à quel point cette question de la recherche est un faux nez pour revenir sur les attributions de permis.
Nous tenons à remercier vivement les intervenants qui ont accepté de participer à ce débat, le public de s'être déplacé, les élus pour leur présence ainsi que pour leur contribution à cette réunion par le prêt de la salle et le pot de l'amitié.