Article de François Tautelle, Géographe, paru dans Libération le 11 juin 2013
La question du gaz de schiste comporte une dimension centrale, celle du paysage. Pourtant celle-ci est ignorée chez les partisans de l’exploitation de ce gaz. Pour les industriels, tout se fait finalement comme si nous étions dans une conquête de type far west, une mise en valeur de territoires vierges de toute occupation humaine. Les cartes déployées par les sociétés de forage, formées de grands carrés et striées de bandes rectilignes, celles des passages prévus des camions de repérage, s’intéressent au sous-sol, peu à la surface. Tout ce qui est visible dans le paysage est pour ces industriels une source de contraintes : comment utiliser les réseaux de transport puisque les routes sont étroites et sinueuses ? Comment contourner des propriétés privées ? Etc.
Or, en 2013, avoir une lecture du paysage et des usages de l’espace de ce type traduit une vision caricaturale de la réalité. La ruralité n’est pas celle de l’imaginaire des industriels demandant des permis d’exploitation : ce ne sont pas des champs à perte de vue, quelques bois parsemés de quelques petits villages. En 2013, en France, la ruralité est bien plus complexe et multifonctionnelle. Il s’agit d’un territoire habité, construit par des générations d’usages et d’usagers qui ont majoritairement cherché à ménager les espaces et les ressources présentes. La richesse des analyses produites sur la renaissance rurale....